Cet article, qui sort juste avant Noël, vous propose de répondre à la question de votre tonton, qui ne manquera pas d'arriver à ce fameux repas de famille : "Alors, ça marche le boulot ?"
Je précise, pour bien imaginer la scène, que ce tonton fictif a une vision un peu à l'ancienne du monde du travail. Il a le sentiment que plus personne n'a envie de bosser et qu'on se pose beaucoup trop de questions...
Si tout se passe bien dans votre vie pro, c'est assez simple de répondre à cette question. Si vous êtes en phase de changement, mais que vous avez déjà un nouveau projet bien ficelé, ce ne sera pas très compliqué non plus. Mais si vous êtes en pleine phase de doutes, les choses peuvent se corser...
Pour vous aider, dans ce dernier cas, je vous propose de nous questionner sur ce qui a changé dans le monde du travail depuis la belle carrière de votre tonton.
De mon point de vue, il y a trois grandes évolutions, trois changements majeurs qui expliquent les doutes et, parfois, le ras-le-bol ressenti par de nombreuses personnes.
L'intensification du travail
La première grande évolution que je constate est l'intensification du travail. On ne travaille pas forcément plus, et d'ailleurs, on travaille plutôt moins qu'avant en volume horaire. Mais je veux plus évoquer ici l'intensité du travail au sens de l'énergie que l'on doit consacrer à sa vie professionnelle. J'observe cette intensification auprès de personnes travaillant dans des univers professionnels très différents. Aussi bien dans le secteur privé, le secteur public, les services de santé ou encore les indépendants.
Alors pourquoi tout le monde ressent cette intensification ? Il y a différentes explications.
Dans le secteur de la santé, par exemple, cela peut être dû au manque de personnel. Dans le secteur public, ça peut être le nombre de dossiers ou de projets qui augmentent. Pour le secteur privé, l'intensification peut venir de la croissance infinie des objectifs. Et pour ce qui est des indépendants, on pourrait penser qu'ils sont libres, qu'il n'y a pas de raison pour que leur travail s'intensifie. Ce n'est pas tout à fait le cas. Ce que je constate, en échangeant avec d'autres indépendants, c'est que nous sommes beaucoup plus nombreux sur le marché français depuis quelques années, notamment depuis 2020. En conséquence, pour se démarquer et trouver de nouveaux clients, nous devons communiquer beaucoup plus. Cela demande, là aussi, de démultiplier l'énergie consacrée au travail. Peu de secteurs sont épargnés par cette intensification.
Nous avons donc un travail qui ne va pas forcément déborder en termes de volume horaire, mais qui va demander une intensité, une énergie dépensée très forte.
Le changement de regard sur le management
Le deuxième point, c'est le management au sens large : les managers, dirigeants, actionnaires, décideurs.
Là aussi, je constate un vrai changement. Ce changement est surtout lié au regard que l'on porte sur ce management.
Notre regard va être plus aiguisé. Nous avons un seuil de tolérance beaucoup plus bas vis-à-vis d'un management défaillant, voire, dans certains cas, d'un management toxique. On va avoir beaucoup plus de mal à accepter des décisions qui viennent "d'en haut" et qui nous semblent incohérentes. Je ne le dis pas de manière négative, je pense, au contraire, que c'est quelque chose de très positif. Le fait d'avoir un seuil de tolérance plus bas est lié au fait qu'on se pose de bonnes questions, que nous sommes plus vigilants à notre santé et notamment à notre santé mentale. Lorsqu'on subit des décisions incohérentes, des objectifs inatteignables, nous allons clairement les remettre en question. On ne se dit plus "c'est comme ça".
La quête de sens
Et le troisième point que j'observe est la question du sens, et de son revers : la perte de sens.
Là aussi, c'est certainement une question que l'on se posait moins quelques décennies en arrière. En caricaturant un peu la vision de notre fameux tonton, le sens était secondaire à son époque. Le plus important, c'était d'avoir un contrat rassurant, un salaire correct, et peut-être une certaine reconnaissance sociale. Tout cela, aujourd'hui, a volé en éclats. Nous voyons les choses différemment. La question du sens n'est plus secondaire dans notre travail. C'est devenu une condition indispensable.
Concrètement, le sens peut venir du sentiment d'utilité, du fait de sentir qu'on apporte des choses aux autres, à la société. Si on ne trouve pas ce sens dans son activité professionnelle, on peut se sentir "désaligné" avec ses valeurs, avec ses aspirations, avec ce que l'on croit. Et tout cela peut créer un décalage difficile à supporter.
Tonton a peut-être raison, on se pose trop de questions non ?
L'intensification du travail, un regard plus critique sur le management et une potentielle perte de sens peuvent créer des situations de "ras-le-bol".
Traverser ces périodes de doutes n'est, bien sûr, pas agréable, mais il en ressort souvent des choses très positives. Le fait de se poser des questions sur notre rapport au travail nous pousse à chercher une vie pro qui nous correspond mieux. Une vie pro avec plus d'équilibre, ce qui peut être une bonne nouvelle pour nous et aussi pour nos proches. Une vie pro avec plus de sens, ce qui peut être une bonne nouvelle pour la société !
Donc non, vous ne vous posez pas trop de questions et même votre tonton comprend maintenant les évolutions du monde du travail et de vos aspirations. 🥸
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